Shtokman : un projet hors norme en zone arctique russe
Publié le 24 mai 2019, modifié le 05 juin 2019
Dans la partie russe de la mer de Barents, le gisement de Shtokman est l’une des plus grandes réserves de gaz naturel au monde. Les premières découvertes ont été réalisées à la fin des années 80 par la compagnie russe Gazprom. En 2005, cette dernière lance un appel d’offres pour former un consortium afin d’exploiter le gisement. Total est sélectionné pour le former aux côtés de l’entreprises norvégienne Statoil. Plus de 500 personnes travailleront sur la conception de projet hors norme pendant 3 ans dont une cinquantaine d’ingénieurs détachés du Groupe ainsi qu’un nombre équivalent de collègues norvégiens.
A ces latitudes, les conditions sont extrêmes. D’autant que Shtokman est situé à 550 km des côtes. Régulièrement frappée par des tempêtes, la mer peut se couvrir de glace l’hiver avec une épaisseur atteignant 2 mètres. Pour les hommes comme pour les équipements, c’est éprouvant. De fin 2009 à fin 2012, nous avons travaillé sur des études de conception pour rendre possible cette exploitation off-shore polaire jamais réalisée. Elle reposait sur 3 éléments : la construction d’une usine de liquéfaction du gaz à Teriberka, dans la région de Mourmansk, la pose en mer d’un gazoduc de 550 km de long et surtout l’installation sur le site d’une usine flottante de traitement et de compression de gaz ancrée dans 350 m d’eau et reliée à des puits à gaz sous-marins.
Cet immense navire usine de 300 m de long était une première technologique compte tenu des conditions arctiques. Doté d’une coque en acier spécial résistant aux frottements et à la pression de la glace, le navire serait maintenu en place par un touret pour qu’il puisse tourner sur lui-même en fonction du sens des vents et de la houle tout en continuant à extraire le gaz. Surtout, ce navire devrait être capable de se déconnecter en moins de 30 minutes de son touret si un iceberg le menaçait. Nous avions également prévu de couvrir le pont du navire d’une immense et ingénieuse couverture pour protéger les équipements des vents et des embruns givrants. En fonction de la température, cette couverture « à claire-voie » conserverait ou libérerait la chaleur produite par les machines pour maintenir les équipements à bonne température. Trois bateaux de ce type devaient être ensuite construits pour les phases suivantes de développement du champ.
Ces 3 années en consortium ont été instructives sur le mode de fonctionnement des compagnies publiques russes. Ce dernier était essentiellement basé sur des ordres écrits arrivant en cascade du sommet jusqu’aux équipes et contrôlés de manière stricte par un management aux méthodes archaïques et parfois brutales. Elles ont également été ponctuées par d’innombrables comités techniques avec nos partenaires russes et la production d’une gigantesque documentation technique pour satisfaire aux exigences de l’administration locale.
Complexe, inédite et... onéreuse, l’exploitation du gisement de Shtokman était techniquement possible avec notre projet. Mais la chute des cours du gaz, lié à l’essor du gaz de schiste américain, l’a rendue caduc. Néanmoins l’expérience acquise sur ce projet a été très utile pour le succès de notre projet de Yamal LNG lancé quelques années plus tard avec Novatek. Et puis, qui sait, les immenses ressources gazières de Schtokman sont toujours là et les équipes de Total auront peut-être une autre occasion de les développer un jour.
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