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Du caviar au petit déjeuner

Je ne peux pas le rater. Il est là, face à moi. Tout autour n'est que platitude déser­tique. A part quelques lointains poteaux télégraphiques, il n'y a que lui pour accrocher le regard. Il fait 30 °C en dessous de zéro et je ne vois que lui et ses deux bosses. Dans ses yeux globuleux, je lis toutes les questions à mon sujet, auxquelles je ne puis répondre parce que j'ai vraiment trop froid. Mes doigts gourds ne risquent plus de trembler. Clic clac ! Ca y est. J'ai mon chameau en photo.

En mai 1994, KazakhstanCaspi-Shelf (KCS), consortium de compa­gnies pétrolières dont TOTAL fait partie, commence une campagne d'exploration en Mer Caspienne, à l'ouest du Kazakstan. Menées depuis Atyrau, situé sur la côte nord-est de la mer, les opérations d'acquisition et de traitement des données géophysiques dureront jus­qu'en Novembre 1996. Le siège du consortium est à Almaty, capitale de la jeune république indépendante, à quelques 2500 km plus à l'est.

Nous sommes huit expatriés travaillant pour le consortium à Atyrau = 16 personnes en rota­tion. De TOTAL, nous sommes deux à superviser à tour de rôle les travaux de traitement des don­nées sismiques. Ainsi, pendant deux ans, Pascal Desegaulx et moi-même seront les deux "frenchies" d'un joyeux (quelque­fois explosif !) groupe cosmopolite d'Ecossais, d'Anglais, de Néerlan­dais, d'Italiens, d'Américains et de Norvégiens.

Atyrau, auparavant nommée Gou­riev sous le régime soviétique, est une charmante bourgade d'environ 120 000 habitants, située sur l'em­bouchure du fleuve Oural, qui, dit-on, sépare l'Asie de l'Europe. Loin de la capitale, de ses contreforts himalayens et de son essor écono­mique, Atyrau "n'est pas le bout du monde...mais on ne doit pas en être loin" comme les Kazakhs le disent eux-mêmes.
Il faut dire que le climat n'est pas triste, mais plutôt continental. L'été, il fait chaud, très chaud, quelques pointes à 50 °C en Juillet. Heureusement, il y a du vent, qui vous soulève toute la poussière du désert alentour, et quand il n'y en a pas, vous êtes dévorés par les moustiques. L'hiver est froid. Les températures descendent par­fois à -30 °C, le vent frivole vous donnant un petit -40 °C au niveau des moustaches. Chaque année la majeure partie du nord de la Mer Caspienne est sous l'emprise des glaces pour trois mois. Le fleuve Oural qui traverse la ville, gèle éga­lement, devenant ainsi un axe rou­tier fort prisé pour aller à la plage, sinon chez votre tante qui habite le continent opposé. Les deux autres saisons vous laissent partager les joies des variations brutales du thermomètre indécis (parti en che­misette par un beau matin enso­leillé, je revins le soir sous la neige !), le tout légèrement arrosé de rares pluies qui n'en sont pas moins le pire des fléaux. En effet la région est si plate qu'il n'y a prati­quement pas de drainage des eaux. Il suffit de trois gouttes et tout n'est que boue, épaisse, recouvrant rues et trottoirs. Dès lors, une visi­te touristique d'Atyrau vous trans­formerait en hippo sorti du bain, à moins que vous n'alliez jouer les écureuils au marché, bondissant d'une brique à l'autre, savamment parsemées ici et là. 

Mais le principal souci des gens du coin est que la Mer Caspienne monte. Nombreuses sont les théo­ries sur le phénomène, mais une chose est sûre, elle continue de monter, de 10 à 20 cm par an, cau­sant des sévères inondations lorsque le vent souffle (c'est telle­ment plat !). Au sud de la ville, à quelques kilomètres, de grandes digues ont été construites, mais déjà, juste derrière s'étendent les roseaux. Le survol de ce labyrinthe végétal vous fait découvrir la trace d'une ancienne route ou l'emprein­te d'une ferme noyée. C'est déjà le royaume des hérons, grues, péli­cans et ... esturgeons.

Car en dépit de tous ces maux, il est des raisons pour lesquelles l'hom­me persévère à s'installer dans des coins pareils. L'une d'elle est certai­nement cet or noir qu'est le caviar (localement environ 3500$/baril). La région est réputée pour ces petits oeufs ronds délicats, et pendant la saison en Avril, on déguste le caviar comme on sert la soupe. Certains d'entre nous ne seraient pas fâchés d'en finir avec le caviar au petit déjeuner. Restons simples.

Une fois passés les premiers moments d'étonnement et les pro­blèmes de langue résolus, les gens sont ici très accueillants. Et c'est pendant des heures, autour d'une table débordant à profusion de mets, salades et plats variés, déco­rée d'une sélection exhaustive de boissons alcoolisées, que vous goûterez leur hospitalité, et sur­tout leur vodka. Les Kazakhs autrefois bergers nomades, parcou­raient les fameuses steppes avec chameaux et yourtes. Et aujour­d'hui, lors du nouvel an musul­man, on peut voir encore ces grandes tentes circulaires riche­ment apprêtées pour recevoir famille et invités. Tout l'après-midi, assis en tailleur, vous appré­cierez le plat national "bishpar-mak", mouton bouilli et nouilles géantes (on mange avec les doigts c'est plus sympa), après avoir fait honneur à votre hôte en acceptant une oreille ou un oeil de la bête. Vous vous régalerez sans grimace d'un bol de lait de chamelle forti­fiant ou d'un yaourt de lait de jument, sans oublier de déguster en charcuterie, l'attribut qui fait qu'on appelle étalon un simple cheval. Avec la vodka, tout va.

Même à côté du bout du monde, la vie est formidable. Si seulement toute cette boue pouvait disparaître.

 

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